Introduction : un sujet approfondi durant les conférences de 2023
En 2023, j’ai présenté sept conférences sur la perception et la prise de décision, en commençant toujours par un principe fondamental :
Toute décision dépend de ce que nous percevons, et notre cerveau perçois bien plus que ce qui arrive à notre conscience.
Contrairement à l’idée répandue d’une “perception imparfaite”, la perception humaine est massive, fine, précise, mais malheureusement sélective : une partie seulement accède à la conscience, tandis qu’une immense quantité est traitée en arrière-plan, stockée, et mobilisable via l’hypnose, l’auto-hypnose ou certains états modifiés de conscience.
1. Notre corps perçoit un volume colossal d’informations par seconde
Les données scientifiques récentes donnent des ordres de grandeur impressionnants :
- Nos sens absorbent potentiellement des centaines de millions à plus d’un milliard de bits d’informations par seconde (ordre de grandeur basé sur les travaux du Caltech et d’équipes spécialisées en neurosciences computationnelles).
- Ce flux sensoriel inclut :
- signaux visuels
- sons
- micro-variations posturales
- signaux tactiles
- signaux internes (interoception : respiration, rythme cardiaque, tension musculaire…)
- signaux émotionnels
- signaux sociaux
La plupart de ces informations ne parviennent pas à la conscience, mais sont bel et bien perçues puis intégrées dans l’inconscient.
2. Une fraction infinitésimale d’informations accède à la conscience
Les études récentes estiment que :
👉 La conscience ne traite qu’environ 10 bits d’information par seconde (soit l’équivalent de quelques mots).
Comparé aux centaines de millions de bits perçus, cela montre un écart gigantesque entre :
- ce que le corps reçoit,
- ce que le cerveau traite,
- ce qui devient réellement conscient et utilisable pour décider.
Autrement dit :
Nous percevons énormément, mais nous ne conscientisons presque rien.
Ce n’est pas un défaut. C’est une nécessité biologique : sans filtrage, nous serions submergés.

3. La perception est limitée
Lors de mes conférences, j’avais corrigé un point important :
La perception n’est ni fausse ni déformée. Elle est sélective.
- Ce que nous percevons consciemment est une petite “fenêtre” utile dans l’instant.
- Ce que nous percevons inconsciemment nourrit l’intuition, le ressenti, les décisions rapides.
- Et ce que nous n’avons pas conscientisé reste mémorisé, accessible par hypnose, auto-hypnose, ou réactivation inconsciente.
C’est ce réservoir invisible qui explique :
- les intuitions fiables,
- les “sensations” d’avoir raison,
- les impressions instantanées en arbitrage ou en management.
4. Comment le cerveau décide : un processus en 4 étapes
Je le présentais ainsi en conférence :
1️⃣ Perception
Massive, corporelle, consciente + inconsciente.
2️⃣ Interprétation
L’inconscient propose un sens (basé sur l’expérience, la mémoire et les enregistrements passés et les émotions qui font le lien).
3️⃣ Évaluation
La conscience analyse, pèse et compare (en fonction du stress, du contexte cela peut être optimal mais parfois interféré par une régulation détérioré de l’état d’esprit ou de l’émotivité).
4️⃣ Action
La décision devient comportement.
Dans 90 % des cas, la décision est préparée avant d’atteindre la conscience.
5. Les limites naturelles du cerveau dans une décision non régulière
Lorsqu’on décide dans une situation inhabituelle, complexe ou rapide, plusieurs limites apparaissent :
A. Capacité attentionnelle très restreinte
La conscience ne peut suivre qu’une poignée d’informations parmi des millions.
D’où les “angles morts décisionnels”. A voir en sitographie les exposés d’Albert Moukheiber.
B. Surcharge et stress
Le stress ferme l’accès au cortex préfrontal (zone du raisonnement) et renforce l’impulsivité.
C. Temps réel trop rapide pour l’analyse
En sport : une action se joue en 200 ms.
Le cortex préfrontal a besoin de 600 à 800 ms pour analyser rationnellement.
👉 Il est donc impossible de prendre une décision 100 % consciente dans ces délais.
Combien d’arbitre se sont entendu dire dans leur tête, « mince j’aurai dû siffler mais c’est trop tard… »
Selon les études du docteur Yves Rossetti, enseignant-chercheur à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et membre du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, il faut en effet 11 secondes pour qu’une décision vienne à la conscience lorsque l’action vécue est nouvelle et que le cerveau puisse l’analyser, refaire le scénario et mettre bout à bout les règles, le vécus, les actions connues et l’adéquation entre ce qu’il aurait été nécessaire de faire.
D. Influence du vécu émotionnel
Le cerveau utilise des souvenirs émotionnels stockés dans l’inconscient pour décider vite — parfois utile, parfois piégeant.
6. Exemples concrets : arbitrage, sport, management
Arbitrage
Un arbitre “sent” une faute avant même de la voir clairement.
Pourquoi ?
Parce que son inconscient a détecté des dizaines de micro-signaux non conscientisés.
Sport de haut niveau
Un patineur ou un skateur prend une bonne décision en une fraction de seconde. C’est identique chez les gardiens de but de sport collectif qui perçoivent des signaux pour partir du bon coté… ou un patineur de vitesse qui sent le vent et l’aspiration et décide au bon moment !
Ce n’est pas de la magie : c’est l’intégration inconsciente de milliers d’heures d’expérience.
Management en situation de crise
Un dirigeant “sait” intuitivement que la salle va basculer.
Son corps a perçu des signaux émotionnels avant sa conscience.
7. La connaissance de soi : un levier pour guider la conscience
Sans en faire le centre de l’article, il est utile de rappeler qu’un outil comme le profilage peut aider à comprendre :
- son mode naturel d’attention,
- son rythme interne décisionnel,
- sa manière spontanée de percevoir et de sélectionner l’information.
Cela aide à optimiser la qualité des informations qui accèdent réellement à la conscience, donc la qualité des décisions.
Conclusion : nous décidons avec la conscience… mais surtout avec l’inconscient
Le fonctionnement réel de la décision repose sur un équilibre :
- un corps qui perçoit massivement,
- un inconscient qui traite rapidement,
- une conscience qui sélectionne très finement,
- un cerveau qui filtre en permanence,
- un état interne qui modifie la perception et la prise de décision.
Lors de mes conférences de 2023, je synthétisais cela ainsi :
Nous ne décidons pas avec 100 % de ce que nous percevons.
Nous décidons avec 100 % de ce que nous sélectionnons.
Et cette sélection dépend de notre état, de notre expérience et de notre conscience.

sitographie